mercredi 17 août 2011

La montre

Le temps passe, les gens s'impatientent, gesticulent sur leur chaise grinçante, regardent leur montre toute les cinq minutes, se lèvent, se bousculent les uns les autres et quittent le local en plein milieu de la présentation.
Cette montre attire mon attention. Je la regarde de temps à autre. Le temps s'y est arrêté, les aiguillent y ont cessé leur course folle, elles sont au repos. La date aussi y est restée figée. Les jours, les semaines se sont écoulées et pourtant...
Je souris bêtement.
Malgré son inutilité, cette montre s'accorde parfaitement à la peau foncée de son propriétaire. Cet homme ne bronche pas une fois, souris à chaque étudiant qui entre dans la salle en leur offrant de leur laisser sa place assise. Je le vois attentif et songeur, assise à ses côtés je profite pleinement de cette sérénité que sa présence dégage.

Je souris bêtement en imaginant que cette montre sans mouvement représente pour cet homme la vie, la culture et la famille qu'il a laissé derrière lui. Serait-ce son arme, son ultime défense pour ne pas se laisser emporter par ce courant d'inquiétude, de stress, de mal être qui se trouve en permanence autour de lui ici?
Et si ce bracelet doré lui transmettait quand nécessaire le souvenir de la chaleur de son peuple, de son soleil ivoirien ?
Et si ces aiguilles immobiles lui permettaient d'oublier un instant que le temps file malgré lui, que son fils grandit sans qu'il soit là pour le guider.

Et si, lui seulement, avait cerner la véritable vérité ? Si dans le silence de l'engrenage arrêté de cette montre, cet homme nous murmurait, essayait de nous enseigner qu'il est peut être temps de prendre le temps de vivre.

jeudi 10 mars 2011

Lost myself

Il y a des jours comme ça , où tu te perds dans ta propre histoire. Tu navigues entre la réalité et ce à quoi tu voudrais qu'elle ressemble.
Surexcitée à l'idée de rentrer chez moi dans moins de 2 mois je ne tiens plus en place et pourtant, ... Pourtant je m'arrête un instant et fixe ce paysage abusivement trop blanc. Qui me rend malade ... et la machine s'enclenche, je pense, je pense, 20 ans de souvenirs s'entremêlent, des voix , des rires, des paysages par ci, par là ... La réalité me rattrape, impossible d'y échapper.
Je ne suis chez moi nul part désormais. Chaque jour quelque chose ou quelqu'un me le rappel. Mon accent illumines les regards ou les rendent méfiants, mais dans chaque cas il suscitent des questions qui commencent toujours pas '' D'où venez-vous ? ''. Que voulez-vous répondre à ça autre que la vérité ? Pouvez-vous vraiment prétendre de ne pas venir d'ailleurs ? Impossible de l'oublier, il y a toujours quelqu'un pour vous le rappeler.
Et puis, je sais pertinemment que même là-bas, ce pays qui est le mien et qui m'a vu grandir pendant 15 ans devient aussi petit à petit une terre étrangère. Les années passent les rues, les gens , les histoires changent. Je change, mon accent se démarque malgré moi.
Et c'est sans aucun doute qu'une personne ou l'autre me fera remarquer avec amusement cette différence. C'est avec certitude que je vais avoir manqué des dizaines de périples, de rumeurs, que je vais débarquer comme un cheveux dans la soupe dans cette vie, ce cours des choses qui aura continué sans moi. Impossible de rattraper ce temps perdu, de rebâtir sur ce vide, de rafistoler ces relations que le temps et la distance aura pris plaisir à détruire.

Et cette certitude, cette simplicité d'être chez soi quelque part, de passer inaperçu est absente depuis trop longtemps maintenant. Et je déteste tellement se sentiment, ce statut qui me suit partout où je vais, qui ne me quitte plus.

Et je me suis perdue quelque part durant ce voyage entre ici et là .

lundi 10 janvier 2011

Perfection

Je parcours ces images, elles défilent dans ma tête une par une. Et puis, parmi celle-ci se trouve une image différente, encore plus puissante que toute les autres, définitivement encore plus apaisante et pourtant, et pourtant Dieu sait combien toutes les précédentes sont synonyme de tant de joies et d'épanouissement.
Cette image, c'est un cliché de l'océan. De l'eau, de l'écume et du ciel. Rien d'autre. Et je ferme les yeux et j'en entend encore le son, cette mélodie des vagues qui s'approchent et se retirent, qui me chatouillent les pieds. Laissez-moi vous raconter, vous expliquer, vous décrire cet instant parfait. Ça doit faire presque une semaine que je vis là-bas, sur cette petite île, une île que j'allais apprendre à apprivoiser, à aimer. Depuis toute petite j'ai toujours voulu me retrouver au bord de l'océan. Ah j'avais vu la mer, des fleuves, des rivières, des lacs. J'en avais vu de l'eau mais ce n'était pas pareil, l'océan m'attirait, je n'ai jamais su pourquoi. Je me rappelle être arrivée sur cette plage, pas loin de l'hydrobase sur l'île de Guet'n'dar. Grâce au 4x4 de Bamba, nous avions emprunté des routes qui n'en étaient pas, écrasant des dizaines de crabes au passage. Pour arrêter notre course sur une plage déserte à l'embouchure du fleuve Sénégal dans l'océan. Il n'y avait rien ni personne. Qu'une étendue de sable qui menait à l'eau ornée de milliers de crabes marchant de travers. C'est sur cette plage que j'y ai perdu mes mots. Je n'étais pas seule, je les entendait rire et parler, questionner. Et pourtant, il n'y avait plus rien, que moi sur cette étendue chaude sous mes pieds, face à ce spectacle qui me laissait sans voix. Ce soir là, je paraissais peut être songeuse ou triste même, je marchait dans l'eau de long en large, je m'arrêtais de temps en temps, plongeais mes mains dans le sable, scrutant l'horizon. J'étais loin des autres, à quelques mètres, mais tellement loin. Je ne disais rien, pas un mot. Et pourtant, ce soir là, je m'en souviens comme si c'était hier, il n'y avait pas la moindre tristesse en moi, pas le moindre questionnement, pas la moindre ambiguïté. J'étais soudainement là où j'avais toujours voulu être sans jamais le savoir. Je pensais à tout ce que j'avais connu jusque là à toutes les épreuves que j'avais traversés, à tous les rêves auxquels j'avais pu songer, parfois peu de temps, les chassant d'un revers de la main, histoire de ne pas être déçue. Mais ça y était, j'étais là où je devais être, j'en avais plus le moindre doute. J'en avais les larmes au yeux devant tant de perfection. Il faisait doux, le temps était parfait, le soleil se couchait, une odeur de thé se laissait désiré et quelques rires se propageaient autour de moi. J'étais plantée là sans pouvoir lâcher du regard ce monde qui s'ouvrait devant moi. Et je n'en revenait pas. J'étais sereine, je n'avais plus peur de rien ni de personne, je n'avais plus mal , je n'avais plus aucun doute. J'étais sereine comme je ne l'avais jamais été, en paix avec moi même avec les autres, comme si j'avais personne la moindre hostilité, comme si rien ne valait la peine de gâcher cette pureté, cette perfection. La perfection est un grand mot, un mot immense et puissant. Un mot que en 19 ans je n'avais sans doute jamais osé prononcé. Un sentiment que je n'avais jamais rencontré. J'y étais enfin. J'avais attendu ma vie entière, c'est ce que je cherchais.
Et alors, alors quand j'ai peur parfois, quand je me perds, je ferme les yeux, et j'y retourne, j'y retourne pour un instant et je songe à cet instant, à cette heure au bord de l'océan et à cette emprise de la perfection sur mon âme, et je me traite d'idiote tout bas, de douter encore que le bonheur soit accessible.